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La Formule 1 est peut-être le grand sport mondial médiatisé qui compte proportionnellement le plus de compétiteurs affichant leur foi chrétienne (1). Dans le nombre des pilotes ayant fait part de leurs croyances, on trouvait le triple Champion du monde, Ayrton Senna, décédé à Imola, au Grand Prix de Saint-Marin, le 1er mai 1994. Senna, catholique fréquentant une église pentecôtiste, la Fondation de la Renaissance, trouvait matière à penser à Dieu au travers des aléas de la course, conscient d’être vulnérable et en danger de mort. Christianity Today avait même consacré un article à un documentaire sur le Brésilien en 1991.

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Tout passionné de Formule 1 ayant connu cette époque vous le dira, qu’il ait ou non supporté ou non Ayrton Senna : son pilotage était hors normes, il était un coureur rare. Dans le bon comme dans le mauvais sens du terme : 41 victoires (seuls Prost avec 51 et Schumacher avec 91 ont fait mieux), 65 pole positions (seul Schumacher en a obtenu davantage avec 68), une vitesse de pointe fabuleuse, un don pour « marcher sur l’eau » à toute vitesse, un courage frisant la témérité qui accentuait aussi le danger pesant sur ses rivaux. Au point que l’un de ses compatriotes et concurrents, Nelson Piquet Sr prétendait, moqueur, que Senna se croyait invincible avec Dieu dans sa voiture. Pourtant, Ayrton était habité par la conscience de sa mortalité : « La mort fait partie de ma vie. J’ai peur de mourir, mais j’ai appris à vivre avec elle. La peur me fascine », avait déclaré le pilote brésilien. Et la mort, il l’avait constamment frôlée au volant mais aussi quand il quitta sa voiture pour traverser la piste, alors qu’arrivaient des bolides, pour couper le contact de la monoplace du Français Erik Comas accidenté et inconscient dont la voiture. Senna avait ainsi probablement sauvé la vie de son concurrent que les secours n’avaient pas encore rejoint.

Découvrir Dieu au milieu du luxe, de la gloire et à cause de l’orgueil

C’est après une course restée célèbre pour la science tactique d’Alain Prost, grand rival du Brésilien, et l’impétuosité de ce dernier que Senna s’est davantage plongé dans la lecture de la Bible. Nous sommes au Grand Prix de Monaco en 1988, Senna a près d’une minute d’avance sur le Français longtemps bloqué derrière un autre concurrent : Prost sait pertinemment qu’il lui est impossible de battre son coéquipier à la régulière, il harcèle alors l’orgueil de ce dernier en commettant le meilleur tour en course ; Senna réplique pour montrer sa supériorité alors qu’il n’en a pas besoin, avant de revenir à un rythme normal… et percuter bêtement le rail parce que déconcentré. La tôle et l’orgueil froissés, le champion choisit une autre voie que la rage : alors qu’il est matériellement comblé, adulé, Senna réalise qu’il ignore Dieu. Avant ce stupide accident que l’on aurait pu accepter chez un débutant, le pilote brésilien se sentait comme sur une autre planète tant il était en train de survoler la course et devancer Prost, alors considéré comme le meilleur pilote du monde : une impression très étrange, mystique. L’humiliante défaite le ramène à sa condition humaine. Catholique, mais sans véritable intérêt pour la foi, Senna va trouver dans cet échec l’occasion de découvrir Dieu : « D’une certaine manière, j’ai appris de cette expérience et me suis rapproché de Dieu. » Ainsi, Ayrton commence à étudier la Bible quotidiennement. Sa soeur Viviane, évangélique, aura également une importance dans son cheminement spirituel.

Tourné vers les défavorisés de son pays, Ayrton Senna est alors connu pour sa foi, son patriotisme et son amour du risque. L’aura de celui que l’on surnomme l’ « extra-terrestre » ou « Magic Senna » grandit avec l’accumulation de victoires, son esthétique de la trajectoire, son duel avec Prost resté dans les mémoires et la collection de trois titres mondiaux… mais aussi à cause de son côté mystique dans un monde où aborder les questions de foi paraît relever de l’enchantement. Il possède trois couronnes à l’orée de la saison 1994 qui lui semble promise, et tout le monde le voit égaler Prost, qui s’est retiré sur un quatrième titre, puis Fangio alors pilote le plus sacré avec cinq titres, voire dépasser ce dernier. Fin 1993, le jour de son dernier sacre, son grand rival, Alain Prost, a annoncé sa retraite, et Senna va récupérer sa place dans l’écurie Williams-Renault, archidominatrice depuis deux ans. Ces deux titans qui ne s’aiment pas savent qu’ils sont bien, l’un et l’autre, bien au-dessus de quasiment tous les coureurs, dans une autre dimension. Seule ombre au tableau pour Senna, le jeune Michael Schumacher, le futur septuple champion du monde, dont le Brésilien avait réalisé le potentiel dès ses premiers tours de roue en 1991, déclarant qu’on tenait là un futur champion du monde. Mais, avec la Williams-Renault, Magic Senna peut espérer dominer l’Allemand…

Rien ne se passe comme prévu pour l’artiste

Lors du premier Grand Prix de la saison 1994, Senna part en position de pointe devant Schumacher mais est devancé par lui en course devant son public, avant de partir à la faute sous la pression. Arrivé à Saint-Marin, le Brésilien compte 20 points de retard, soit le score maximum de deux courses, sur son nouveau grand rival. Il sait désormais que la partie ne sera pas aisée. Le vendredi, son ami et compatriote, Rubens Barrichello, heurte violemment un mur de pneus après que sa voiture a décollé, mais échappe « miraculeusement » au pire ; Senna est au chevet du rescapé à l’hôpital et confie ensuite son mauvais pressentiment. Le samedi, c’est Roland Ratzenberger, le débutant, qui se tue sur le circuit lors des essais. Le premier mort en F1 depuis 1986 et le décès d’Elio de Angelis, un ancien coéquipier du Brésilien… Lorsque le médecin de la Formule 1, Sid Watkins, annonce le décès à Senna qui pleure, il lui conseille de ne pas prendre part à l’épreuve dominicale. Très affecté par cette brutale disparition, Senna envisage de recréer l’Association des pilotes de F1 dans le but de lutter pour davantage de sécurité. Le lendemain, la tension est palpable, Senna ne semble pas avoir envie de courir. Son équipe a travaillé jusque tard dans la nuit sur sa voiture pour tout vérifier afin qu’il coure l’esprit serein et ne commette pas de faute. Parti de la pole position, le Brésilien voit de suite la course arrêtée suite à un accident dans le peloton lors du départ qui a fait des blessés dans le public. Au second départ, pressé par Schumacher qui menace de le déborder, Senna quitte la piste en tête de la course devant des centaines de millions de téléspectateurs, en percutant un mur en béton à plus de 250 kilomètres à l’heure. Le Brésilien aura vainement freiné sa monoplace. La boîte crânienne est enfoncée. L’Artiste s’est tué en tête d’un Grand Prix.

La course reprend peu après, les concurrents ne sont pas informés de l’état du Brésilien et ne pensent pas au pire. Le décès est annoncé après le Grand Prix, dans la soirée. Dans sa voiture, on retrouve un drapeau autrichien qu’il comptait agiter s’il venait à gagner, en hommage à son concurrent tué la veille. Une légende vient de naître. Un symbole aussi : Ratzenberger, le débutant inconnu du public, et Senna, conquérant auréolé de prestige, égaux devant la mort.

Des centaines de milliers de personnes bordèrent les 45 kilomètres séparant l’aéroport où venait d’atterrir sa dépouille et le centre ville de São Paulo, pour saluer l’idole de toute une nation transportée par un camion de pompiers. Trois jours de deuil national furent décrétés, 200 000 personnes suivirent le corbillard dans un cortège s’étirant sur 7 kilomètres, sans compter la diffusion des funérailles à la télévision. Son cercueil, exposé à l’assemblée législative de São Paulo fut recouvert du drapeau brésilien, et  le Président Itamar Franco décora le défunt de la crand-croix du mérite. Parmi les hommes qui portèrent son cercueil, il y eut son ancien grand ennemi, Alain Prost avec qui il s’était récemment réconcilié.

John John Summer

  1. Parmi les pilotes de confession chrétienne qui ne cachaient pas leur foi, on trouvait en 2006 au moins 6 compétiteurs sur 26 ayant couru : Michael Schumacher, Felipe Massa, Giancarlo Fisichella, Jarno Trulli, Robert Kubica et Rubens Barrichello. Il est déjà arrivé que Schumacher remercie publiquement Dieu après une victoire… Le pilote, aujourd’hui dans le coma suite à un grave accident de ski fin 2013, qui arborait régulièrement de grandes croix autour du cou, faisait également preuve d’une immense générosité envers les démunis et autres blessés de la vie, convaincu que Dieu lui permettait de gagner beaucoup pour aider largement les autres.

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