La campagne présidentielle américaine fait parler les responsables religieux les plus en vue, le Christian Post du 25 avril rappelle que Joel Osteen vient d’accorder un label chrétien à ceux qui s’affronteront probablement de l’été au 6 novembre, Mitt Romney et Barack Obama.
C’est au cours de l’émission « The Situation Room with Wolf Blitzer » sur CNN que le pasteur de la megachurch de Houston, la plus grande église des États-Unis (plus de 40 000 fidèles), a fait état de sa pensée ou de ce qu’il a présenté comme telle. Car la langue de bois étant répandue jusque dans les milieux ecclésiastiques, la conviction et le réel intérêt ne se sustentent pas toujours à la même table. Interrogé au sujet de Romney, mormon, Osteen a itéré son propos de janvier en affirmant qu’il était effectivement chrétien : « Quand j’entends Mitt Romney dire qu’il croit que Jésus est le fils de Dieu – qu’il est le Christ, ressuscité des morts, et son sauveur – cela est suffisant pour moi », avant d’ajouter « Le mormonisme est un peu différent, mais je considère toujours ces croyants comme mes frères en Christ. »
Concernant Obama, Osteen n’aurait aucun doute sur sa foi après avoir passé du temps avec lui. Rappelons qu’Obama est le président américain qui a le plus combattu la morale chrétienne ainsi que le droit à l’objection de conscience des chrétiens, qu’il n’a pas réellement agi au bénéfice des chrétiens persécutés tout en prétendant que les Etats-Unis sont l’un des plus grands pays musulmans du monde et en louant ce qu’il appelle la tolérance de l’islam, ce qu’a dénoncé Franklin Graham en février dernier : « Je n’ai aucune idée de ce en quoi Obama croit réellement. Tout ce que je sais, c’est que, durant sa présidence, il a semblé davantage concerné par les musulmans à travers le monde que par les chrétiens qui se font assassiner dans les pays musulmans. » Mais à la décharge du très large pasteur Osteen, on notera que Graham a présenté ses excuses peu après – ce qui pourrait être compris comme invalidant ses remarques pertinentes.
Le mormonisme et le Dieu des chrétiens
Malgré diverses réserves, je voterais bien pour Mitt Romney, à défaut des excellents Rick Santorum ou Newt Gingrich. Peu m’importe sa religion s’il met en place une politique respectant une morale chrétienne. Même un athée pourrait le faire, ce fut le cas du second président Roosevelt. Et j’ai beaucoup de respect et de sympathie pour les mormons, des personnes intelligentes qui sont loin de mériter le mépris auquel elles doivent encore faire face de nos jours ainsi que les ragots sur leurs convictions, notamment la polygamie. But… but, je ne me sentirais pas obligé de prétendre que le minimum de croyances communes entre nous suffit, car le mormonisme c’est bien autre chose que la confession de la divinité de Jésus, ressuscité d’entre les morts et sauveur des hommes. Le mormonisme, c’est également le polythéisme, la foi dans un destin divin de chacun appelé à devenir un dieu régentant son espace là-haut, comme Dieu fut un être créé à l’origine et parvenu à la divinité par le mérite, selon les écrits des Saints des Derniers Jours.
La tentation peut être grande de se suffire des points communs et de se dire que le reste ne prête pas à conséquence. Après tout, que de divergences entre les chrétiens, quoi de commun entre un luthérien et un charismatique ? La confession fondamentale de la divinité du Christ, rédempteur de l’humanité. Comme chez les mormons. Est-ce si important si les mormons considèrent la Trinité comme un polythéisme avec trois entités réellement – au sens étymologique : physiquement – distinctes soudées par la même téléologie ? Et s’ils croient qu’existent d’autres dieux mais avec des univers qui leur sont contingents, ce qui nous dispense de les adorer puisque nous ne sommes pas des leurs ? Pour ma part, je me réfère à l’omniprésence, la toute-puissance de Dieu, souverain sur toutes choses pour contester une telle théologie qui relativise sérieusement la divinité chrétienne. Pour dire les choses courtement, reconnaître Jésus comme fils de Dieu ne suffit pas si l’on ne partage pas la même définition de Dieu. Et peu m’importe que les mormons vivent selon des standards moraux très élevés à faire pâlir de honte plus d’un chrétien, leur théologie morale n’épuise pas la densité et la quantité de leurs errances doctrinales.
Je me garderai d’affirmer de manière péremptoire quel est le soubassement des propos de Joel Osteen ; il me suffit simplement de dire que si le but est de flatter le futur président des États-Unis, quel qu’il soit, la cause de l’Évangile est perdante parce que l’Évangile c’est aussi annoncer librement la vérité qui rend libre, même par rapport aux puissants, ne pas soumettre l’Évangile à leur autorité. Et ne pas ajouter à la confusion, au relativisme, surtout quand l’on est en charge d’âmes.
Il y a quelques années, je me trouvais dans un groupe d’étude biblique, et quelqu’un avait fait partir la discussion sur le fait de salarier les ministres du culte et l’offrande. J’avais alors cité 1 Corinthiens 9, Malachie 3:10 et Alma 30:33. Notre groupe d’une dizaine de personnes avait gardé le silence jusqu’à ce qu’une fille le brisât d’un amusé : « C’est marrant, toi, tu cites toujours la Bible ! » Je lui répondis alors que c’était le… Livre de Mormon. A sa décharge, c’était une jeune convertie. En revanche, les autres présents n’avaient peut-être pas osé s’interroger à haute voix sur ce verset parce que j’avais la réputation d’être une Bible ambulante et que me questionner devant tout le monde aurait pu passer pour de l’ignorance de la Bible. Joel Osteen dira-t-il que les mormons sont des chrétiens… mais en confondant leurs livres et la Bible ?
John John Summer